Robert Mady, canonnier du RBFM 28 et 29 août 1944
Robert Mady était canonnier au sein du char le « Simoun », membre du 3e peloton du 4e escadron, héros de la première heure au sein du Régiment Blindé de Fusiliers Marins (RBFM). Membre de la célèbre 2e Division Blindée du général Leclerc, il participa à la Libération du Val d’Oise et rédigeait à l’époque un journal de campagne. A l’occasion des 80 ans de la Libération, rendons lui hommage en publiant un extrait des pages qu’il a consignées lors de son passage sur notre territoire.
? Robert Mady / Le Char Esterel à Sarcelles / Le Provence à Sarcelles
Suite à la Libération de Paris, le 25 août 1944, une partie des forces alliées repart vers le Nord afin de libérer l’actuel Val d’Oise. La 30e Division US et ses collègues des 2e et 29e Divisions se dirigent vers le Vexin ; les 113e et 125e Cavalry US vers le nord du département. La 2e Division Blindée du général Leclerc se concentre, elle, sur Enghien, Montmagny et Sarcelles et rencontre des difficultés, les 27, 28 et 29 août 1944. Robert Mady raconte :
Lundi 28 août 1944
Nous traversons Montmorency, Villetaneuse, Deuil, Enghien. Hier, en pleine rue d’Enghien, l’Ouragan du 1er Peloton s’est trouvé nez à nez avec un « Ferdinand ». Il a tiré le premier à 30 mètres. L’autre a sauté aussitôt touché. L’équipage allemand est réduit en une bouillie innommable.
Mustin, du même peloton, a été tué d’une balle de mitraillette. La population l’a exposé à la mairie et couvert de fleurs.
Midi. Eaubonne. Des femmes pleurent : « Ils ont fusillé trois hommes hier, vengez-les ». On nous couvre de fleurs, on nous apporte des fruits. Il y a deux heures, les Allemands étaient ici. Où sont-ils ?
Enfin, voici des Allemands : 45 prisonniers arrivent sur la route, en bon ordre, sur trois colonnes gardées par l’Infanterie du Tchad. On les interroge. Naturellement, ils n’ont rien fait : ils n’ont même pas tiré un coup de fusil. Si on laissait faire la foule, les femmes surtout, ils ne resteraient pas longtemps en vie.
15h : des Jeeps débouchent sur la route de Sannois. Ce sont des Américains. Les gens qui commencent à être rassurés et sortent des caves leur font une ovation, les embrassent, leur serrent les mains, au grand ébahissement des malheureux Amerlocks qui se demandent ce qui leur arrive.
Un peu plus tard, des cris et des vociférations partent d’un groupe de gens excités qui arrivent sur la route. Ils entourent une femme épouvantée, à la tête rasée. Elle est horrible à voir. Elle donnerait bien la moitié de sa vie pour ne pas être ici. C’est une collaboratrice qui aimait l’amour à la prussienne. On l’emmène à la mairie où, paraît-il, il y a déjà tout un lot de tondues.
La jonction étant faite avec les Américains, nous rejoignons Soisy pour y passer la nuit.
Mardi 29 août à Soisy
Quel charmant pays ! Nous avons dormi dans la salle de billard du château du comte de Saint Rome. Le soir, il y a eu bal au château. Le boulanger a fait cuire une fournée exprès pour nous, tandis qu’une femme distribuait généreusement des tranches de jambon énormes et que le pharmacien du crû nous offrait le cognac. Agréable façon de faire la guerre.
Midi : Nous sommes résolus à vouloir les combattre. St Denis est en guerre. Des maisons brûlent. Certaines ont été démolies par le bombardement de cette nuit.
14h à Stains : Nous ne sommes que deux chars, le « Cyclone » et le « Simoun », pour appuyer l’infanterie du Tchad qui nettoie les environs.
Depuis trois jours les SS font régner la terreur. Hier ils ont tué sept maraîchers dans les champs. Ils tiraient à coups de canons dans les fenêtres. La joie de la population est plus grave que celle des Parisiens. On sent qu’ils sont encore sous le coup de la peur. Depuis trois jours, personne n’osait se montrer dans la rue…
Pour continuer sur la thématique, nous vous invitons à découvrir l’exposition Monuments Men présentée au Château de la Roche-Guyon jusqu’en novembre.